Rachid RAHA suivi par le PDAM, Belaïd Abrika et l'association Amusnaw en Kabylie, auraient dû mieux réflechir avant de tenter leur coup de force dépourvu de légitimité démocratique. Le Congrès Mondial Amazigh se déroulera comme convenu à Meknès du 31 octobre au 2 novembre, sans aucune conséquence dévastatrice pour la principale e organisation berbère. Son secrétaire Belkacem Lounès dans une interview accordée à Kabyle.com nous donne plus d'explications sur cette navrante affaire .
Vous avez annoncé récemment la tenue du 5° congrès du CMA à Meknes, du 31 octobre au 2 novembre. N'aurait-il pas été possible d'abriter le 5° congrès du CMA à Batna ou ailleurs en Algérie ?
Belkacem LOUNÈS : D’abord je tiens à préciser que la décision de la tenue du congrès à Meknes, s’est imposée à nous comme la solution ultime après les longues démarches infructueuses menées en Kabylie depuis plus d’un an. Je peux même dire que depuis le congrès de Nador en 2005, le projet des 5° assises amazighes en Kabylie n’a pas quitté notre esprit. Avec des membres du CMA en Kabylie, nous avons multiplié les contacts, les lettres, les visites, les conférences de presse, les actions devant l’ONU et l’Union Européenne et enfin l’action en justice contre la Wilaya de Tizi-Wezzu, mais sans résultat. Quant à organiser cet événement à Batna, dans la région de l’Aurès ou dans une autre ville d’Algérie, cela aurait pu être possible, mais nous n’avons reçu aucune proposition dans ce sens. Mais en vérité, si nous n’avons pas pu maintenir notre congrès en Kabylie, pourtant bastion et fer de lance de l’amazighité, je ne vois pas comment nous aurions pu nous imposer ailleurs où le mouvement amazigh est beaucoup plus faible. Je rappelle que même le Haut Commissariat à l’Amazighité (HCA), institution pourtant officielle, n’a pas pu organiser un colloque à Batna il y a quelques années. La réalité est que l’Algérie connaît un haut degré d’amazighophobie, aussi bien au niveau de l’Etat que des cercles panarabistes, problème auquel nous devons réfléchir et trouver la riposte adéquate.
Fallait-il abdiquer si vite aux obstacles prévisibles en Kabylie? Vous disiez « Ce sera Tizi-Ouzou, Bgayet une grande ville ou rien ». Est-ce réellement la question des attentats ? Il semblerait que vous aviez décidé d'un commun accord de ne pas prévoir de solution alternative à court terme. Pourquoi donc ce revirement ?
Une année de démarches, de tentatives et de pressions tant au niveau local qu’international, jusqu’à l’assignation en justice du Wali de Tizi-Wezzu, vous appelez cela abdiquer vite ? Dans un premier temps, nous avions effectivement décidé d’organiser le congrès au courant de la dernière semaine de juillet en Kabylie, sans prévoir de plan « B ». Il était clair qu’aucune solution alternative ne devait être examinée avant cette échéance. C’est ce que nous avons fait mais lorsque nous avons constaté au mois de juillet, l’impossibilité de tenir le congrès comme prévu en Kabylie, nous nous devions de chercher une autre solution. Et la décision finale ne fut prise qu’à la fin du mois d’août, après un examen attentif des candidatures des 4 villes marocaines (Agadir, Marrakech, Tanger et Meknes). Par ailleurs, nous avons souhaité que le congrès ait lieu dans une grande ville de Kabylie parce que nous ne pouvons accepter que les Amazighs soient refoulés toujours plus loin vers les zones les plus reculées, les plus inutiles. Y a t-il une seule raison qui justifierait que l’on nous interdise Tizi ou Vgayet ? Que nous resterait-il de la Kabylie alors ? Et jusqu’à quand ? J’ajoute aussi, que réunir 500 personnes dont une cinquantaine d’invités étrangers pendant trois jours, nécessite des infrastructures (travailler, manger, dormir) qui ne sont disponibles que dans les grandes villes, sans parler des problèmes de sécurité qui sont malheureusement bien réels en Kabylie. Il n’y a qu’à lire la presse quotidienne algérienne pour s’en rendre compte.
La validité démocratique de cette solution de repli est contestée publiquement par votre vice-président R. Raha, éditeur du mensuel marocain Le Monde Amazigh. Une telle fronde peut-elle mettre en péril vos préparatifs et comment comptez-vous gérer cette crise?
Rachid Raha a été informé comme les autres membres des instances dirigeantes du CMA, de toutes les démarches entreprises pour la tenue du congrès en Kabylie et n’a rien trouvé à redire jusqu’à maintenant. J’affirme que le choix du congrès à Meknes a été fait de manière la plus démocratique qui soit. Le congrès de Nador avait émis la recommandation que le 5ème congrès ait lieu en Kabylie. Mais recommandation veut dire «conseil» ou «souhait» et non obligation. De toutes les manières, le bureau du CMA a tout mis en œuvre pour que cette recommandation soit respectée. Après un an de démarches, le constat est que le congrès en Kabylie est interdit par les autorités algériennes. Conformément à l’article 7 des statuts du CMA qui stipule que « Le Bureau Mondial prépare le Congrès Général. Il dresse son ordre du jour et fixe, un an à l'avance sa date et son lieu de réunion", c'est bien au bureau du CMA que revient la tâche de prendre toutes les décisions concernant la tenue du congrès. Cette décision fut prise démocratiquement, c'est-à-dire à la majorité des membres du bureau, à la fin du mois d'août dernier et Rachid Raha s'est trouvé en minorité. Il critique le fait que nos décisions soient prises lors de réunions sur internet. Mais c'est un mode de fonctionnement habituel de notre ONG internationale et c'est celle de toutes les organisations internationales, car c'est le moyen le moins coûteux et le plus pratique. Et M. Raha n'a jamais contesté ce mode de prise décision jusqu'à présent. Par ailleurs, affirmer aujourd'hui qu'il n'y a aucun problème de sécurité en Kabylie et que le congrès est possible à Tizi, mais sans donner aucune autre précision notamment sur le lieu du congrès, c'est tout simplement tromper les gens et vouloir les mener à l'aventure. A ce propos, j'attire l'attention de tous les membres du CMA et de l'opinion publique, que en ne respectant pas les statuts du CMA, en n'étant pas mandaté ni par le Président ni par aucune instance du CMA, M. Raha agit de manière totalement anti-démocratique et illégale. Tous ses actes n'engagent donc que sa personne ainsi que ceux qui le suivent.
Dans une lettre parue sur internet, R.Raha vous accuse d'entretenir des liens étroits et secrets avec les cercles du pouvoir marocain. Il prétend que des associations noyautées par le Makhzen marocain sont associées au congrès?
Dans mon principe de fonctionnement, je ne m’interdis aucun contact dès lors qu’il y va de l’intérêt de la cause que je défends, tout en veillant à sauvegarder l’indépendance de l’organisation que je représente. A ce jour, j’affirme que le CMA n’a aucun lien secret ou non, avec les pouvoirs Etatiques. Tous les contacts entrepris au nom du CMA ont été rendus publics. Ce que Rachid Raha me reproche, c’est d’avoir participé en juillet dernier au colloque sur « la résistance amazighe » organisé par l’association Touiza de Tanger, sous le prétexte que cette association serait proche de certains cercles du pouvoir marocain. En réalité, cette association membre du CMA, fait un travail remarquable en organisant notamment le festival amazighe de la Méditerranée, qui est entrain de restaurer l’amazighité de la ville de Tanger. Pourquoi M. Raha en veut tant à cette association ? Parce qu’elle a oublié de l’inviter ? Par ailleurs, du fait que j’ai déclaré récemment que «si on était dans des Etats démocratiques, il serait tout à fait naturel que les pays de Tamazgha accueillent à tour de rôle les congrès des imazighen, mais la vérité c'est qu'aujourd'hui cette possibilité n'existe qu'au Maroc», R. Raha interprète malhonnêtement mes propos en faisant croire que pour moi, le Maroc est un pays «vraiment démocratique". Or, je n'ai jamais dit que le Maroc était un pays démocratique et encore moins "vraiment démocratique". Une des preuves, c'est le dernier rapport adressé à l'ONU en avril 2008 et qui porte le titre de "l'apartheid anti-amazigh au Maroc", dans lequel on trouve la dénonciation de la détention arbitraire des Amazighs, l’interdiction du PDAM, la répression des Ait-Baamran et de Boumaln N Dadès, etc. Rachid Raha n'a pas contribué pour une seule ligne à ce rapport. Et si le congrès du CMA est interdit en Algérie et qu'il se tient au Maroc, c'est un fait que je me dois de souligner en toute objectivité. Il reste ensuite à chacun de comparer l’ampleur des violations des droits et des libertés au Maroc et en Algérie, en se référant par exemple au classement effectué par les ONG.
Faut-il considérer ce coup de force comme un acte de félonie lié à la dissidence du mois de juillet à Tizi-Ouzou ? Comment les militants berbères doivent-ils selon vous interpréter ces divisions qui fragilisent le mouvement? Est-ce pour vous une affaire classée ou envisagez-vous de porter plainte? Rachid Raha présent au CMA depuis le premier Congrès de St-Rome de Dolan s'est-il exclu de lui-même?
D’après les derniers communiqués de M. Raha, il est allié au petit groupe qui gravite autour de l’association Amusnaw qui est venue au secours du Wali de Tizi-Wezzu l’été dernier, lorsque le CMA a déposé plainte contre lui. Les deux parties ont beaucoup échangé ces derniers mois et se sont même rencontrées, avec Belaid Abrika et Adghirni, au Maroc au mois de juillet dernier. Ils ont des intérêts divergents mais chacun cherche le contrôle du CMA. Aujourd’hui ils collaborent mais demain, ils pourraient se faire la guerre. Rachid Raha a des prétentions démesurées mais n’est même pas capable de présenter sa candidature de manière démocratique et d’affronter l’assemblée générale. Il opte alors désespérément pour le coup de force. A ces deux complices s’est invité de manière inopinée un troisième, qui n’a rien à voir avec le CMA, Ahmed Adghirni, secrétaire général du Parti démocratique amazigh du Maroc (PDAM) qui, au lieu de chercher à rassembler les forces amazighes pour combattre l’interdiction de son parti par le Makhzen, préfère retrouver ses vieux réflexes de provocateur. C’est dommage pour le PDAM et pour la cause amazighe. En refusant de se plier aux règles démocratiques qui régissent le fonctionnement de nos instances et en optant pour l’illégalité, le mensonge et l’insulte, M. Raha s’est exclu de lui-même du CMA. Pour les autres, il n’y a qu’une seule réponse, l’application des statuts et du règlement intérieur de notre organisation dans toute leur rigueur. En conséquence, je mets en garde toutes les associations contre les agissements de M. Raha et de ses amis qui n’ont aucune légitimité à agir au nom du CMA.
Comptez-vous vous représenter pour un troisième mandat à l'issue de ce Congrès ? Comment pourriez-vous incarner au vu de telles circonstances le candidat du consensus entre groupes d'horizons variés, pour préserver l'unité des rangs et celui de la mobilisation générale ?
J’ai dit que les statuts actuels ne m’interdisent pas de briguer un 3ème mandat mais je n’ai pas dit non plus que j’étais candidat. En vérité, au jour d’aujourd’hui je ne suis pas candidat. En conséquence, il serait souhaitable que les candidatures se fassent connaître et je soutiendrai celle qui me paraitra la meilleure en termes d’engagement, de compétences et de disponibilité. La cause amazighe a besoin d’hommes et de femmes fiables, ayant une vision claire pour l’amazighité et de grandes ambitions pour Tamazgha, dotés d’une grande maturité politique, diplomates dans la forme mais fermes sur les objectifs qui restent la restauration pleine et entière de tous les droits et les libertés du peuple Amazigh.
Trois ans après Le Congrès de Nador, cette réunion est très attendue notamment en raison du conflit au Mali. Vous envisagez une participation massive des Touaregs. Le CMA pèse-t-il réellement sur ce dossier ? Le CMA ne se heurte-t-il pas aux stratégies de l'Union du Maghreb Arabe ?
Le CMA a peu fait en faveur de la question Touarègue au cours des trois dernières années. Le conflit existe au Mali mais aussi au Niger et il est vital et urgent qu’une solution globale et durable soit trouvée, avec l’aide de la communauté internationale. Il faudrait que ce soit une des priorités du prochain mandat. Le CMA a déjà des projets dans ce sens. Et c’est la raison pour laquelle nous avons souhaité une forte présence des Touaregs à Meknes. Quant à l’UMA, c’est un «truc» qui n’existe pas, donc on n’en tient pas compte. En revanche, plus le CMA gagne en présence et en influence dans les pays de Tamazgha comme au niveau international, plus les Etats panarabistes déploient leurs stratégies pour le contrer. Nous devons sans cesse rester vigilants pour éviter leurs pièges car ils ont les moyens humains, financiers et matériels et face à eux, nous ne sommes que des bénévoles ayant pour seule arme notre foi et notre détermination.
Est-ce la conséquence directe de votre rencontre avec Khadaffi, le fait est que les lybiens berbères sont aussi attendus très nombreux. Qu'est-ce qui a réellement changé entre le pouvoir de Tripoli et les Imazighen depuis cette rencontre ?
Les Canariens n’ont jamais été autant rattachés à Tamazgha que depuis le congrès de Tafira en 1997 et on peut dire presque la même chose des Amazighs de Libye depuis que le CMA s’y est rendu en 2005 et 2006. Les rencontres avec les Amazighs libyens en Libye ont été d’une rare intensité et les liens tissés avec eux resteront à jamais indélébiles. Cela nous a mutuellement renforcés dans nos convictions et j’estime que le CMA a contribué de manière significative au recul de la peur des Amazighs vis-à-vis du pouvoir libyen. Pendant la période de nos visites, les Amazighs de Libye n’ont jamais autant profité de leur liberté de mouvement, visitant les autres pays de Tamazgha, sortant et entrant librement en Libye. Nous les avons encouragés à s’armer de courage et de volonté pour élargir et consolider les espaces de liberté. Dans ce but, la participation au prochain congrès du CMA est une grande opportunité pour eux. Durant ces trois jours de travaux à Meknès vous aurez sans doute beaucoup à dire sur la Kabylie. Quels projets ou travaux mettrez-vous en place précisément sur la question kabyle, avec quels intervenants, directeurs de projets?
Les sujets à traiter au congrès concernant la Kabylie, devront être proposés par les Kabyles eux-mêmes. Mais dores-et-déjà les sujets de l’impunité et de l’autonomie me paraissent incontournables. Je précise également que nous avons déjà un projet concret de formation des cadres associatifs sur les mécanismes de l’ONU, prêt à être réalisé d’ici fin 2008 ou début 2009, en partenariat avec l’IPACC et le Haut Commissariat des Nations Unies sur les droits de l’homme.
Vous aurez l'immense tâche de réunir autour de vous les militants du mouvement berbère ainsi que des réseaux politiques, des amis étrangers, des peuples amis, organismes internationaux. Ces soutiens auront certainement des répercussions sur l'avenir du CMA. En quoi ce Congrès de Meknès sera-t'il si déterminant sur l'avenir de votre ONG comme celui des peuples Amazighs ?
Avec ses 13 ans d’existence, le CMA est une jeune organisation qui a besoin de poursuivre sa construction et la consolidation de ses structures. Le congrès de Meknes sera l’occasion de renforcer le CMA avec la réflexion des congressistes et l’apport de nouvelles énergies. La présence des amis des Amazighs (représentants des peuples et société civile) et des organisations internationales est d’abord un témoignage de reconnaissance de la crédibilité du CMA à l’international et de solidarité avec le peuple amazigh. Cette présence nous est précieuse à plus d’un titre et pour cela, nous les en remercions d’avance.
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