mercredi 21 mai 2008

le Mouvement Amazigh au Maroc : analyse de la situation actuelle

RENCONTRE DES ASSOCIATIONS AMAZIGH INDEPENDANTES ORGANISEE PAR AZETTA AMAZIGH LE 10 ET 11 MAI 2008 A RABAT
Par : Hamid LIHI
A première vue, depuis la création de l'Ircam et la récupération d'un grand nombre de cadres associatifs et de "militants" amazigh par le régime arabiste qui nous gouverne, on peut croire que l'action du mouvement amazigh (MA) semble s'être rétractée sur le terrain. De ce fait, les acquis aux thèses anti- amazigh du pouvoir marocain se sont vite félicités d'avoir contribué à enterrer une contestation amazigh indésirable. En effet, si l'on se remet en mémoire le bouillonnement des actions du MA à la fin du siècle dernier et l'enthousiasme suscité par le soulèvement de la Kabylie en 2001 d'une part, et le silence qui s'en est suivi d’autres part, le sentiment d'échec et de retrait semblent êtres justifiés. Il a fallu pourtant au pouvoir makhzénien jouer de toutes les influences possibles et de la collaboration d'un certain nombre de ses satellites amazigh pour arriver à ce résultat. Rappelons nous les "groupes d'action" de Rabat, les annonceurs de la fameuse "TAWADA" de Rabat qui se sont vite dissout dés l'apparition du manifeste qualifié exprès d'amazigh. Un texte rédigé sur commande des circonstances par Mohamed Chafiq, ancien instituteur et fonctionnaire au palais pendant plusieurs années. Aidé par un groupe de ses collaborateurs, Chafiq a réussi à faire signer ce soit disons manifeste à un grand nombre de cadres associatifs et d'universitaires ambitieux, qui se sont retrouvés derrière les enceintes de l'Ircam, enterrant à jamais les projets de manifestations et de protestations qu'ils affichaient auparavant. Ce texte annonçait pourtant la mort des associations, sans donner aucune autre perspective d'avenir. Pendant une période de six ans, les détracteurs de Tamazight et ceux qui sont acquis à la politique du makhzen ont cru mettre un terme aux revendications amazigh indépendantes. Ils ont compté sans la pérennité de la résistance permanente et multiséculaire amazigh. Car la masse de jeunes, notamment au sein des universités mais aussi dans les lycées, écoles et sur tout le territoire du pays, s'est soulevée pour dénoncer la trahison. Ces militants rejettent toute tentative de récupération et dénoncent l'Ircam comme symbole de cette opération, tout en développant un discours et des actions qui s'inscrivent, sans ambiguïté, dans le domaine de la revendication politique et sociale. Le culturalisme exacerbé des anciens est désormais dépassé. Les bases de référence sont le droit humain, la démocratie, la laïcité, la modernité et l’universalité. Le nombre et la densité des manifestations publiques des deux dernières années, si l'on se réfère uniquement au Sud-est, sont sans précèdent, dans l'histoire du peuple amazigh du Maroc. Par le caractère jeune des participants et des responsables, par les slogans, par la nature des revendications et la détermination des militants du MA, force est de reconnaître le passage à un niveau jamais atteint. Car, n'est-ce pas pour la première fois que les imazighen issus du MA, qui n’ont pas subi le rouleau compresseur des idées baathistes arabistes, manifestent publiquement leur appartenance identitaire en tant qu'imazighen? C'est d'ailleurs pour ces raisons que la population adhère à ce mouvement contestataire, mené par une jeunesse disciplinée et fondamentalement pacifique. C'est également pour ces mêmes raisons, mais pour des intérêts contraires, que les autorités arabistes et leurs appendices ont orchestré des compagnes de dénigrement et d'intimidations qui ont abouti aux arrestations des militants les plus actifs du MA au Sud-Est. Le silence complice d'une presse aux ordres ne peut voiler la réalité. Les milliers de jeunes militants convaincus de la justesse et de la noblesse de la cause amazigh qu'ils défendent sont plus nombreux et plus mobilisés. L'énergie potentielle qu'ils constituent dépasse, et de loin, celle de tous les partis politiques réunis. Il est donc légitime dés lors que différentes parties, à des niveaux variés, s'intéressent à ce mouvement montant. Les raisons de cet intérêt sont bien évidemment très diverses et contradictoires. Du coté des acteurs du MA, la question qui les préoccupe consiste à analyser la situation en vue d'apporter des réponses satisfaisantes à une problématique que nous considérons comme axiale et que nous formulons comme suit: Comment assurer, avec un maximum de succès, le passage d'un état caractérisé de force potentielle mais faiblement efficace à un état souhaitable de force efficace. Autrement dit, d'un mouvement massivement jeune et fortement mobilisé mais faiblement organisé, arriver à un mouvement de masse fortement structuré et uni? A ce stade, la question devient d'ordre pratique. Elle touche aux moyens et aux modalités. En somme, à la stratégie qu'il s'agit d'adopter. Apporter des réponses concrètes à une telle question ne peut se faire qu'en séances de travail entre responsables intéressés et représentatifs d'un MA autonome. Toutefois, trois considérations préliminaires nous semblent oportunes à ce sujet: 1- L'ensemble des composantes du MA autonome sont arrivées à la conviction selon laquelle le problème de l'organisation interne des forces militantes est une nécessité du moment; 2- Une volonté ferme est largement partagée chez les acteurs du MA autonome de dépasser le cadre purement culturaliste dans la revendication amazigh; 3- Une détermination sans précèdent des acteurs du MA à rejeter le paternalisme d'antan et à se battre contre toute forme d'instrumentalisation ou de récupération de la cause amazigh, que ces tentatives proviennent du régime ou de ses collaborateurs amazighs. Ces considérations sont d'une grande importance parce qu'elles démontrent une prise de conscience et une maturité favorables à une construction sérieuse de l'avenir. En outre, et avant d'entamer le débat serein et porteur, il faudrait prendre en compte les erreurs du passé dont nous signalons quelques unes: - Le fait d'élaborer des textes, chartes , mémorandums, manifestes, lettres… à la destination du gouvernement, du cabinet royale, du parlement ou des partis politiques n'a donné de résultats, mis a part celui d’accorder une éventuelle audience à leurs rédacteurs . - Le fait de se positionner tout le temps par rapport à des événements venant de Rabat est inefficace et met le MA dans une situation de réaction toujours en retrait par rapport à l'actualité et empêche toute prise d'initiative propre et librement consentie. - Le fait de négliger les différences en prônant une union « TAMUNT » impossible de tous, dans un même cadre, ne fait qu'entraver la marche du MA en créant des animosités inutiles. - Le fait de construire des unions sans s'assurer suffisamment de la fiabilité et de la crédibilité des personnes qui en sont les portes paroles ou les responsables. - Le fait d'écarter les jeunes militants des responsabilités et de vouloir les soumettre à une sorte de contrôle permanent, en se maintenant tout le temps aux postes de commandes. En définitive, le travail doit être orienté vers le peuple, en l’occurrence à ses destinataires naturels que sont les imazighen. D’aucuns, dans leurs discours, défendent l'amazighité, alors que dans la réalité leur entourage immédiat défend d'autres causes et parle d'autres langues qui ne sont pas les siennes. En guise de conclusion, si ces considérations sont vraiment prises en compte, un débat franc et constructif sur les moyens et les modalités pourra être déclenché. Notre espoir est d'arriver par la concertation à donner la possibilité à chacun de se déterminer comme partie prenante à cette entreprise historique, avant de tenir des conclaves et d'en sortir avec des réponses aux ambitions légitimes des militants du MA, et ce, dans des délais suffisants mais proches. (Source: www.amazighworld.org )

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